Sur le plan émotionnel, une (bonne) histoire monte progressivement en intensité et aboutit à un point culminant appelé climax. Il s’agit du moment le plus important du récit, celui que le lecteur a attendu tout du long. Le climax, c’est l’instant de tension ultime qui précède le dénouement.
Entre adultes, on pourrait appeler ça l’orgasme narratif. À l’inverse, une histoire dont la fin ne serait pas satisfaisante s’apparente à un voyage sans destination : malgré la beauté des paysages, l’errance risque de décevoir votre lecteur. Votre travail de voyagiste-narrateur consiste (bien entendu) à rendre le trajet le plus agréable possible, mais ce que le public attend, c’est d’arriver sur une plage ! La conclusion d’une histoire repose le plus souvent sur un rebondissement et peut prendre différentes formes. Dans ce billet, nous allons étudier une première catégorie de fins, la découverte.
La découverte :
Pour cette étude de la découverte, je vous propose tout d’abord, si vous avez le temps, de lire cette nouvelle de Conan Doyle, une aventure de Sherlock Holmes intitulée L’homme à la lèvre retroussée (The man with the twisted lip).
Lors d’une découverte, le héros résout un mystère, il découvre une vérité concernant un autre personnage, un évènement du passé ou une situation. Dans les polars, il s’agit de l’identité de l’assassin ou de la preuve qui le fera tomber. Cette découverte permet au personnage d’entreprendre l’ultime action qui lui permettra d’atteindre son objectif.
Exemple :
Dans L’homme à la lèvre retroussée, de Conan Doyle, Sherlock Holmes cherche à savoir ce qu’il a pu advenir d’un certain Neuville Saint-Clair. Sa femme l’a aperçu à la fenêtre d’un appartement situé au-dessus d’une fumerie avant qu’il ne disparaisse. Elle n’a pu pénétrer le logement, et lorsque les agents de police y sont parvenus, il n’ont trouvé qu’un mendiant infirme bien connu des habitants du quartier, Hugues Boone, qui a prétendu n’être au courant de rien. Les habits de Saint-clair ont alors été retrouvés dans l’appartement, et Boone a été accusé de la disparition. Holmes pense que Saint-Clair est mort, mais sa femme reçoit, une semaine plus tard, une lettre qui, malgré les doutes de l’enquêteur, semble provenir de son mari. Le lendemain, Holmes soulève une théorie qu’il décide de mettre à l’épreuve et qui s’avère : Sous l’épaisse couche de saleté qui recouvre le visage de Boone se cache Saint-Clair. L’homme explique qu’il se livre à la mendicité grimé pour ne pas être reconnu, parce qu’il gagne ainsi plus d’argent qu’avec ses activités officielles. Mais sa femme n’est pas au courant, et il a du improviser cette mascarade lorsqu’elle l’a aperçu par hasard à la fenêtre de l’appartement.
Conclusion :
La découverte est la fin la plus basique (elle n’en demeure pas moins très efficace). Elle peut fonctionner dans une nouvelle, mais, en raison du format court, elle est quelques fois prévisible et peut complètement tomber à plat. Voici quelques conseils pour lui donner plus de ressort :
Évitez le mystère fermé :
Un mystère est fermé lorsque le héros doit découvrir une vérité parmi plusieurs possibilités : Il doit démasquer le coupable parmi les trois suspects. Ce genre de découverte se prête mieux au format long parce qu’elle repose pour beaucoup sur un système de fausses pistes. À l’échelle de la nouvelle, il est compliqué de multiplier les possibilités sans apporter une certaine confusion. Si, au bout de 15 minutes de lecture, l’histoire se termine par : En fait, c’était Robert le tueur, ça peut fonctionner, mais ça manquera de suspens ou d’enjeu, et le lecteur risque d’avoir l’une de ces réactions : « Ouais, et alors…, « J’en étais sûr ! » ou « Attends, c’est qui Robert déjà ? ». Dans le cas d’une histoire policière, il sera préférable de privilégier la forme de la crime story : Le héros connaît l’identité de l’assassin et cherche la preuve qui lui permettra de l’arrêter (mystère ouvert).
Faites en sorte que la découverte ait un impact émotionnel sur le personnage :
Le détective recherche l’identité de la maîtresse de son adversaire. Cette maîtresse se révèle être… sa propre fiancée. Plus cet impact sera important, plus la découverte sera efficace. À l’extrême, il se peut que la découverte conduise carrément le personnage à sa propre perte (physique, sociale, affective, mentale…).
Utilisez l’ironie dramatique … :
L’ironie dramatique consiste à fournir au public des informations que le héros ne possède pas. C’est un ressort que l’on utilise de différentes façons tout au long de l’histoire et qui permet de susciter toutes sortes d’émotions (le rire, la peur, la compassion, la frustration…) : il va monter dans sa voiture sans savoir qu’elle est piégée, il va la demander en mariage devant toute sa famille sans savoir qu’elle flirte avec lui uniquement pour gagner un pari avec ses copines…. À la fin de l’histoire, l’ironie dramatique permet de laisser un fort sentiment d’injustice et de colère : l’enquêteur accuse l’un des deux suspects, il montre la preuve incontestable et procède à l’arrestation. L’histoire est finie, mais dans les dernières lignes, l’autre suspect détruit un objet qui établissait sa propre culpabilité. Dans ce cas, le lecteur fait une découverte que le héros aurait dû faire. L’erreur judiciaire surprend le lecteur alors qu’il n’avait plus d’attentes et lui laisse un sentiment d’amusement ou de révolte bien plus intéressant que celui qu’aurait suscité la découverte de la vérité par le héros.
… et la tragédie :
La tragédie est l’expression d’un potentiel gâché : Ils s’aiment, ils sont séparés parce que leur famille se font la guerre. Il croit qu’elle est morte et se suicide. Elle apprend qu’il est mort et se tue également. Et pourtant, ils auraient pu être heureux !
De façon quasi systématique, le lecteur espère que justice sera faite, que le protagoniste atteindra son objectif et qu’il trouvera le bonheur. N’oublions pas qu’une fiction est un moyen d’échapper aux réalités de la vie ! Lorsque le piège fatal se referme sur le héros, il génère une énorme frustration chez le lecteur. Au terme des 450 pages d’un roman, le lecteur est, le plus souvent, profondément déçu, et son deuil peut gâcher en partie le plaisir de sa lecture. C’est pour cette raison que la plupart des livres (et des films) se terminent bien ! C’est ce qu’attend le lecteur et c’est ce qu’il veut. Dans une nouvelle, la tragédie passe bien mieux puisque la relation avec le personnage est beaucoup plus superficielle. Une fin tragique sera toujours plus surprenante que son équivalent positif. De plus, pour une grande partie du public, ce genre de fin permet de contenter de légères pulsions sadiques, enfouies moins profondément qu’on pourrait le croire…
Faites découvrir au héros… ce qu’il ne cherchait pas :
Une stratégie consiste à ne pas faire de la recherche de cette vérité l’objectif du héros : il profite d’un repas de famille pour renouer avec son frère et finit par apprendre qu’il a été adopté ! On peut également faire en sorte que cette découverte dépasse les attentes du héros : Il pense que son voisin a tué son chat et découvre qu’il s’agit de ce tueur en série dont on parle dans les journaux… (Dans les limites de la logique et de la cohérence…)
J’espère que ce premier billet vous aidera ! La prochaine fois, nous étudierons la révélation.
L’anthologiste
HONORE a dit :
19 septembre 2012 à 17 h 51 min (UTC 0 )
EN FAIT, JE TERMINE PAR CONNAITRE TOUT CE DONT J’AVAIS BESOIN